Tel un Béhémoth confit dans les gelées de la pensée unique, Les Rockuptibles s’étaient mis en sommeil en attendant des jours meilleurs. Les auteurs enfermés deux années dans les caves de la rédaction, nourris au pain sec et à l’eau du robinet avaient fomenté une fronde qui les conduisirent vers la démocratie et menèrent Truman Condom(e), le rédacteur en chef, à prononcer la liquidation du Blogzine. Ce dernier s’épuisait depuis en mondanités et en ruminations désoeuvrées sur Facebook où il renouait d’anciennes accointances avec ses vieux camarades de Harvard.
Mais les récents évènements en Afrique du Nord et à travers le monde arabe nous ont tirés de notre torpeur et après une séance houleuse et plénière des membres de l’ancienne rédaction, nous sommes arrivés à l’unanimité par prendre la décision de reprendre l’ours là où nous l’avions laissé.
- Les quinze membres ( au premier plan ) de la rédaction du blogzine révolutionnaire Les Rockuptibles
Dimanche matin, 20 février 2011, Truman Condom(e) a reçu notre délégation dans son quinze pièces cuisine de l’avenue Montaigne et c’est les mains enfoncées avec désinvolture dans les poches de sa robe de chambre fétiche ( un cadeau d’Hugh Hefner (ndlr) ) qu’il nous a déclaré :
» Ah comme je suis content de vous revoir, mes amis ! Alors comme ça la mutinerie est terminée ? Non, non, pas un mot : je ne vous en veux pas, car pour ma part tout est oublié. La porte de ma cave vous demeure toujours grande ouverte et je ne pourrais sans me déshonorer éconduire une telle brochette de talents, une telle concaténation de grands esprits. Vous voulez reprendre le journal dites-vous ? Certes, mais il va falloir consentir quelques sacrifices.
Primo, finies les vacances à Montreuil (93) et les virées du samedi soir au Café de la Gare du Nord. J’attends de mes journalistes qu’ils soient sur la brèche 24 H/24 : je finissais par vous trouver ramollis et indolents. Vous étiez sur la pente de l’embourgeoisement, on aurait dit une véritable digestion dominicale en vous voyant…Méfiance et vigilance mes fiers spadassins, car nous sommes l’élite de la contestation, l’avant-garde de la critique sociale, la migraine du système médiatique, son meilleur cauchemar, son antidote également et par dessus tout sa noble frugalité. Voilà qui mène à mon secundo : vos propensions coupables à la consommation de viande rouge tous les midis et ce goût de précieuses ridicules pour le chauffage central qui nous conduiraient droit dans le mur si vous aviez l’audace de persister dans les sottes revendications qui furent les vôtres.
Excusez la franchise de mon propos, mais je vous le déclare franchement : vous étiez en train de vous Pernauiser, de vous David Pujadassifier, le Claire Chazal en bandoulière pour ainsi dire. Mais laissons au garage les récriminations. Hardis petits, c’est oublié : sus à vos claviers et à vos Ataris ! L’information est une campagne militaire, que dis-je une conquête spatiale au point où nous en sommes rendus.
Oh j’oubliais, il va falloir tout nettoyer en bas, la femme de ménage refuse de descendre à la cave que vous avez laissé dans un état proche de la Lybie. Elle m’a avoué n’avoir jamais pensé que des journalistes pussent sentir aussi mauvais, elles pensaient que Les Rockuptibles étaient rédigés par une meute de gorilles radical-socialistes en rut. Alors de la discipline, mes enfants, deux chiffres et un grand auteur classique : dix-six-Pline : voilà le nombre d’or de notre entreprise. Seize avec votre serviteur. Vous êtes quinze, alors vous devriez être capables d’entretenir une grotte de 50 mètres carrés. Organisez-vous diantrefeucques ! Allez, allez mes chers amis : je ne vous blâme pas, car un père peut-il rejeter son enfant revenu au bercail ? Fi, non. Descendez au travail, allez descendez mes chers petits, que je ferme derrière vous… »
Je me rappelle d’avoir surpris J.B Kérozen qui en avait presque les larmes aux yeux. Était-ce de joie ? Ou bien une poussière dans l’oeil ?
Tout cela pour vous dire que nous sommes de retour…
Victor Ego